Avant propos :

Dans le troisième chapitre de mon précédent billet (Prévenir l'échec amoureux : avant tout une question de choix) j'ai développé deux paragraphes qui traitaient des possibles façons de faire le moins mauvais choix. Pour fonder ces choix, je n'ai parlé à aucun moment de critères de sélection ou d'outils de comparaison. Cependant, il semble que pour nombre d'entre-nous, une des façons les plus habituelles de procéder à des choix passe par la référence à des critères.

En effet, j'entends régulièrement des femmes expliquer leur situation d'échec ou la stagnation dans leur parcours sentimental par le fait qu'elles seraient “trop exigeantes au niveau de leurs critères, de leurs attentes” et ne trouveraient dès lors aucun homme capable de les combler. D'autres, au contraire, ne tomberaient que sur les "mauvais numéros", convaincues de faire les mauvais choix à cause de “critères” trop laxistes.

Dans une première partie, après avoir défini ce qu'est un critère et disséqué le processus de jugement dont il sert de base, j'essayerai de démontrer qu'en matière de choix amoureux, la notion de critères est non seulement antinomique avec tout processus de jugement viable mais pire que cela, les critères pervertissent complètement le jugement en nous donnant l'illusion du contraire.

C'est au regard de cette analyse que, dans une seconde partie, j'essayerai de mettre à jour quelques alternatives permettant de faire des choix peut-être plus viables.



I - AXIOME DE BASE


Nous pouvons baser nos choix sur le hasard, l'intuition, l'élimination, cela dit une bonne partie d'entre eux résultent de jugements fondés sur des comparaisons plus ou moins conscientes, elles-mêmes basées sur des critères plus ou moins pertinents. Ces critères (personnels ou conventionnels) sont orientés vers un seul but : sélectionner l'objet/la personne le/la plus en adéquation entre un besoin/une attente/un désir/un but et sa satisfaction/sa réalisation.

Exemples de choix usuels par comparaison :
- des produits comestibles (critère de prix, de poids, de provenance,...)
- des produits matériels ou technologiques (critère de puissance, d'ergonomie, de fonctionnalité, de design,...)
- des lieux de vacances (critère géographique, météorologiques, activités touristiques, pratiques sportives,...)
- des séances de cinéma (critère d'horaires, de genre, de nouveauté, de casting,...)
- des candidats pour un emploi (critère d'expérience, de compétence, de performance...)
- des compétiteurs (en patinage artistique par exemple, critère de technique, d'originalité, de performance, de rapidité d'exécution, de présentation,...)
- etc..., etc...

Et ça fonctionne. Les choix issus de ces jugements de valeur sont globalement viables.

Le problème est que, pour nombre de personnes, cette mécanique quotidienne des choix par critères est totalement intuitive. Cette démarche cognitive (perception/raisonnement/jugement) ne repose sur aucune réflexion préalable. Ça ne serait pas un problème si notre tendance maladive à toujours tout généraliser ne venait compliquer les choses. A partir du moment où on adopte un modèle rationnel de jugement qui s'est avéré viable dans certaines situations, beaucoup ont l'illusion que les choix basés sur ce modèle seront tout aussi bien-fondés quelles que soient les situations.

Mais ce raccourci est simpliste car il nie l'axiome suivant :

Ça n'est pas parce que quelque chose a fonctionné dans un certain contexte qu'il fonctionnera obligatoirement quelles que soient les conditions.

Petit cours de physique amusante pour vérifier cet axiome (évidence) :

Nous ne flottons pas dans l'air, mais une fois dans une piscine ou dans la mer, nous flottons. L'immersion dans l'eau est incontestablement une condition nécessaire à notre flottabilité mais si c'était la seule, nous flotterions aussi dans l'eau de notre baignoire ou dans la moindre flaque. Pourtant, chose étonnante, nous ne flottons ni dans une flaque, ni dans une baignoire !

En plus de la la condition "eau", il y en a donc au moins une autre qui explique que nous flottions. Archimède a trouvé l'explication il y a déjà un bon moment. Cette autre condition est la profondeur du contenant (car plus il y aura d'eau, plus la pression qui nous poussera vers sa surface sera grande). Il faut donc que 2 conditions co-existent pour qu'un objet flotte :
1 - La présence d'un fluide
2 - que son volume soit sensiblement supérieur au volume de l'objet qui s'y trouve, donc que le contenant soit profond.

Si une seule de ces deux conditions est absente, l'objet ne flotte pas ou coule.

Dans le contexte de la piscine ou de la mer, l'eau permet de flotter, mais si nous modifions ce contexte, l'eau n'a plus le même effet car une des deux conditions nécessaires a disparue.

Partant de cette évidence, nous allons voir pourquoi il est aussi stupide de croire que nos choix sont viables sur la base de n'importe quels types de critères que de croire que nous flotterons dans l'eau dans n'importe quel type de contenant. Appliquer à tort et à travers un processus de choix rationnel à partir de critères sans jamais avoir cherché à comprendre quelles conditions sous-tendaient sa viabilité, voilà où réside l'erreur de pas mal d'entre-nous.

C'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de poser des critères dans la perspective d'un choix de partenaire amoureux car, comme nous allons le voir après analyse du processus de choix par critères, il est tout bonnement inapplicable dans ce contexte.



II - COMMENT UN PROCESSUS DE JUGEMENT VIABLE SE DÉCOMPOSE-T-IL ?


Nous n'allons nous intéresser qu'à un type de choix, le choix sur la base de critères, c'est à dire le jugement de valeur.

A) Définition d'un critère

Un critère est une caractéristique, un principe ou une norme en fonction permettant de distinguer ou d'évaluer une chose ou une notion en vue d'une analyse ou d'une décision (un choix). Les critères servent donc de base au jugement. Ils sont conceptuels, mais ils doivent comporter des éléments opérationnels (mesurables)

En lisant cette définition on se rend compte que le critère en lui-même n'est rien de plus qu'un élément parmi d'autres dans le processus qui aboutit au choix (condition nécessaire mais pas forcément suffisante). Par conséquent, il ne garantit pas à lui seul la fiabilité du choix auquel il mène. Si on n'y prend pas garde il peut même vous mener droit dans le mur car il finit par fausser tout le processus de jugement.


B) Analyse pas à pas du processus de jugement (choix à partir de critères) :

Appliquer à la lettre le processus suivant est l'unique façon logique de fonder un jugement valable sur la base de critères :

1 - Circonscrire précisément un besoin (une attente)
2 - Identifier le ou les critères les plus à mêmes de répondre à ce besoin grâce à une bonne compétence dans le domaine d'application concerné.
3 - Déterminer ou concevoir des éléments de comparaison mesurables
4 - Asseoir un choix pertinent sur la base de ces comparaisons

Voici 2 démonstrations par l'exemple :

a) L'achat d'un petit bolide :

1 - J'ai besoin d'une nouvelle voiture très rapide (besoin identifié). Précisons que la vitesse n'est pas un critère en lui-même, il n'est que la conséquence d'autre chose.

2 - Grâce à mes compétences en mécanique automobile (champs d'application) je sais que ne sont concernés dans les questions de vitesse, ni la forme des sièges, ni la couleur de la voiture mais la capacité du moteur à fournir un travail dans un temps donné, c'est à dire sa puissance (critère pertinent).

En conséquence : mon véritable critère de choix n'est pas la rapidité de la voiture mais la puissance du moteur.

3 - L'élément de comparaison mesurable et objectif de la puissance d'un moteur est sa cylindrée. Parmi toutes les voitures du catalogue je comparerai donc la cylindrée de chacune.

4 - Une fois ces comparaisons effectuées je pourrai, sans me tromper, choisir celle qui développera la plus grande puissance (choix pertinent sur la base de comparaisons objectives) .

b) Le recrutement d'un employé :

1 - Je dois recruter un ingénieur en informatique qui puisse développer un nouveau programme en 3 semaines (besoins identifiés). Mais programmation et performance ne sont que mes besoins et non des critères pertinents par eux-mêmes. Ils sont la conséquence de la compétence et de l'expérience.

2 - Grâce à mes connaissances du champs d'application concerné par le poste (l'informatique) je sais que, pour parvenir à répondre à mes attentes, cet ingénieur devra connaître le langage C+ et avoir déjà réalisé plusieurs programmes dans un temps court par le passé (critères pertinents)

En conséquence : Les critères de choix seront les connaissances particulières en C+ et les expériences précédentes similaires.

3 - Mes éléments de comparaisons mesurables de compétence et d'expérience seront un entretien portant sur des questions techniques pointues avec chaque candidat et l'études approfondie de leurs CV.

4 - A l'issue de l'analyse de ces tests et de celle des CV je pourrai, sans me tromper, choisir celui qui répondra le mieux aux besoins du poste à pourvoir.

Le processus est toujours le même quelles que soient les attentes, mais nous allons maintenant voir que, s'il y a une erreur à n'importe quelle phase du processus, alors le jugement sera fossé et les choix (apparemment logiques) qui en découleront seront erronés.

c) Faussons volontairement ce processus à différentes étapes

Afin de vérifier si la pertinence de nos critères de choix est à elle seule responsable d'un jugement viable (condition nécessaire et suffisante), je vais reprendre l'exemple précédent en commettant une erreur. Je placerai cette erreur dans une phase du processus tout en n'en commettant aucune dans les 3 autres. Je répéterai cette opération 4 fois, déplaçant à chaque fois l'erreur sur la phase suivante. Je pourrai ainsi étudier tous les cas de figure possibles et déterminer si d'autres conditions sont nécessaires à l'obtention d'une analyse fiable.

Cas #1 : Erreur sur l'identification de mes besoins
Je cherche mon ingénieur mais j'identifie mal mon besoin (phase 1). Je le veux compétent et sociable alors qu'il le faudrait compétent et rapide. J'établie mes critères en fonction de ces besoins erronés, je trouve des éléments de comparaisons adéquats pour établir ma sélection entre les différents candidats et j'embauche quelqu'un de très compétent et très sociable mais manque de bol, il est super lent car il n'a jamais réalisé un projet similaire aussi vite auparavant. Erreur sur le candidat, mauvais choix !

Cas # 2 : Erreur dans la sélection de mes critères :
Il me faut mon ingénieur compétent et rapide mais comme je n'y connais rien en informatique, j'assimile (à tort) “compétence” avec “niveaux d'étude” au lieu de l'associer avec “connaissance en C+”. Mes critères deviennent donc : hauts diplômes et expérience (phase 2). Je compare les CV de tous les candidats et sélectionne le plus diplômé sachant travailler vite. Mes éléments de comparaisons sont judicieux compte tenu des critères que je recherche. Manque de bol, bien que bardé de diplômes, il connaît très mal le langage de programmation dans lequel il doit coder. Erreur sur le candidat, mauvais choix !

Cas #3 : Erreur d'adéquation des éléments de comparaisons :
Je le souhaite compétent et rapide, je sais qu'il me faut quelqu'un qui soit à la fois un as en C+ et possède une grande expérience, jusque là, tout est bon. Pour sélectionner mes candidats je ne conçois pas d'entretien technique spécifique et comme éléments de comparaison (phase 3) ne me base que sur des questions générales et l'étude de leur CV. J'embauche celui qui me semble être le plus compétent (sauf que je n'ai pas d'élément mesurable de compétence). Manque de chance, pour obtenir le poste il a un peu exagéré sur ses compétences, je l'aurais su si j'avais posé des questions techniques. Erreur sur le candidat, mauvais choix !

Cas #4 : Erreur de jugement final car non basé sur la comparaison objective :
Tout est bon au départ, je sais ce dont j'ai besoin, j'ai établi les bons critères et j'ai des éléments de comparaisons adéquats après avoir audité mes candidats et étudié leurs CV. Au moment de faire mon choix, comme j'ai eu un “bon feeling” avec un candidat qui n'était pas objectivement le plus compétent ou le plus expérimenté, je ne tiens pas compte du résultat de mes entretiens et je l'embauche quand même (phase 4). Manque de bol, il est super sympa et on s'entend très bien mais il n'est clairement pas assez doué ou assez rapide et je suis passé à côté d'un meilleur candidat que lui alors que j'avais tous les éléments en main. Erreur sur le candidat, mauvais choix !


Bilan : Dans tous les cas de figure on voit bien que se tromper de critère est loin d'être la seule cause d'un choix erroné ou d'une mauvaise analyse. Malgré cela, beaucoup de gens pensent que seuls les critères sont en cause lorsqu'ils se trompent dans leurs choix. Ils auront tendance à remettre en cause leurs critères ou pire encore, à ne rien remettre en cause du tout et expliquer leur échec par l'absence d'objets à la hauteur de leurs attentes.

Nous voyons alors clairement que le problème n'est rien d'autre que leur incapacité à comprendre un processus, le suivre et fonder un jugement valable. Incapacité à comprendre que "condition nécessaire" n'est pas équivalent à "condition suffisante". Le plus souvent parce qu'ils n'y ont jamais vraiment réfléchi. Nous y reviendrons par la suite lorsque j'aborderai la question des critères de sélection de nos potentiels partenaires amoureux.


C) Dans quel cadre un jugement/choix sur la base de critères est-il viable ?

Un jugement de valeur viable ne repose pas seulement sur la pertinence d'un critère -adéquation avec un besoin identifié- (condition nécessaire mais non suffisante, comme la présence de l'eau pour flotter) mais tient - en plus - à l'existence d'éléments de comparaison objectifs et mesurables permettant de déboucher sur une analyse logique. C'est à cette autre condition aussi et seulement en respectant le processus décrit plus haut qu'un critère permet d'aboutir à un choix viable (l'équivalent de la profondeur du contenant dans notre exemple sur la flottabilité).

Seulement voilà, je vais maintenant démontrer que les éléments de comparaisons sont intimement liés aux critères. Si un critère est objectif, les éléments de comparaison qui en découlent le seront aussi et inversement.

1) Exemple de critères objectifs : domaine du mesurable
- Solide, rouge, rond, puissant, lumineux, chaud, salé, bruyant, orienté au sud, etc...
Il est facile d'apprécier, de mesurer les différences de température, de saturation colorimétrique, de forme, de position géographique, d'audience ou encore d'intensité sonore.
Le choix qui découlera d'une comparaison sera incontestable. Il est donc viable

2) Exemple de critères "limites" : domaine de la perception/sensation
- Confortable, nuancé, convivial, esthétique, ergonomique, fonctionnel, compétent, etc...
Il est déjà un peu plus difficile de calibrer des notions plus abstraites comme le confort, la compétence ou l'ergonomie. Pour se faire il faut adopter/inventer des normes ou des systèmes de mesures appropriés pour permettre la comparaison.
Le choix sera déjà moins viable lorsqu'il se base sur la comparaison d'éléments peu mesurables.

3) Exemple de critères subjectifs : domaine de l'affect
- Chaleureux, tendre, charmant, spirituel, généreux, drôle, amical, etc...
Comment mesurer, calibrer ou normer la tendresse, le charme, ou la générosité. Non seulement ces notions sont archi-conceptuelles mais en plus chacun de nous possède sa définition propre, différente de celle de son voisin bien que tout aussi valable. Il n'y a aucune norme sérieuse possible permettant de déboucher sur la comparaison parce que par essence on touche au non mesurable et au subjectif
Un choix sur la base d'éléments subjectifs n'a donc pas la moindre viabilité car il ne repose sur aucun élément de comparaison sérieux.

Puisque, nous l'avons vu, les deux conditions nécessaires à un jugement de valeur viable sont la pertinence du critère et la présence d'éléments de comparaisons objectifs et puisque les éléments de comparaisons sont intimement liés aux critères, si le critère est subjectif bien que pertinent, alors les éléments de comparaisons le seront aussi (subjectifs) ce qui rend la seconde condition impossible à remplir.

Dès lors, poser des choix en fonction de critères subjectifs fausse tout le processus. Quel que soit le résultat de l'analyse, il sera fatalement faux (et s'il s'avérait vrai cela ne serait que pur hasard).

Comprenez-vous maintenant mieux mon analogie du premier chapitre ?

La seconde condition essentielle pour qu'un choix soit viable à partir de critères est l'objectivité des éléments de comparaison (par extension logique, l'objectivité du critère lui-même). Tout comme l'homme ne peut flotter dans une baignoire bien qu'il flotte dans une piscine, un choix viable ne peut être établi sur la base de critères subjectifs bien qu'il puisse l'être sur la base de critères objectifs.

Conclusion : Les critères subjectifs (nature humaine) rendent caduque tout processus de jugement de valeur. Les choix, apparemment logiques, qui en découlent sont forcément erronés. Il ne faut donc pas s'étonner de se tromper systématiquement dans de telles conditions.



III - CRITERES ET CHOIX AMOUREUX : UNE HERESIE


Amusons-nous quand même à vérifier s'il est possible de remplir toutes les conditions qui permettraient un jugement de valeur viable dans le cadre de la recherche d'un partenaire amoureux idéal :

1 - Circonscrire précisément ses besoins

La plupart des gens ne savent pas ce qu'ils cherchent ou se rendent compte trop tard qu'ils se sont trompés sur leurs attentes. Ils se connaissent tellement mal eux-mêmes qu'ils recherchent un idéal sorti de l'inconscient collectif ou des contes de fées, idéal n'ayant rien à voir avec leurs besoins réels et propres, idéal qui sans doute ne les satisferait même pas s'ils le croisaient. Ils croient savoir ce qu'ils cherchent mais n'en ont en réalité qu'une très vague idée.

Nos besoins sont à l'image de nos personnalités, complexes, en constante évolution. Il est fort probable que très peu d'entre-nous seraient capables de les définir précisément et sans se tromper. Il faut des années pour se connaître soi-même et cela demande un travail d'introspection que peu de gens ont la capacité, l'envie ou simplement le temps de faire.

Autre technique foireuse couramment employée pour se donner l'illusion qu'on a identifié ses besoins : la circonscription par élimination ou dit autrement, cette petite phrase si souvent entendue : "je ne sais pas ce que je veux mais je sais ce que je ne veux pas". Moi j'appelle ça "avancer à l'aveuglette" et c'est un excellent moyen pour multiplier les échecs à répétition. Le seul avantage, l'illusion de se rapprocher un peu plus du but à chaque échec.

Ca pourrait fonctionner si on avait par exemple une chance sur trois de tomber sur la bonne personne. Après deux échecs on atteindrait logiquement un succès. Mais en réalité il y a autant chances de se planter encore que de partenaires potentiels (des millions sur cette planète). Autant dire qu'on aura jamais assez d'une vie pour les tester tous. Vous croyez que chaque échec vous rapproche du succès, au contraire, il vous rapproche d'un nouvel échec. Et tout résultat positif obtenu grâce à cette technique, n'est qu'un gros coup de chance. Mon conseil du jour : plutôt que définir votre attentes par élimination, jouez donc au loto vous aurez pratiquement autant de chance de devenir millionnaire que de trouver l'amour (soit pratiquement aucune).

2 - Identifier le ou les critères les plus à mêmes de répondre à ce besoin grâce à une bonne connaissance du domaine d'application concerné.

Là aussi, la plupart des gens sont bien incapables de déterminer quels critères permettraient de combler leurs attentes si tant est qu'ils aient identifiées au préalable les dites attentes. Le domaine concerné étant les relations interpersonnelles, les relations amoureuses, la psychologie, peu nombreux sont ceux qui peuvent se vanter de maîtriser le sujet. Qui pourrait affirmer avec certitude que, pour combler sa hantise de la routine (besoin identifié), il lui faudrait une personne aventureuse, plutôt qu'une voyageuse ou encore une compagne inventive plutôt qu'artiste ou les quatre à la fois (critères) ?

Comment définir les critères qui répondraient à coup sûr à nos besoins ? Quand bien même on définirait ces critères, qu'est-ce qui nous assure que ce sont bien leur présence qui comblerait nos attentes ? Tous cela est tellement subjectif, aléatoire qu'on ne peut raisonnablement tabler la dessus pour se forger un jugement.

3 - Définir des éléments de comparaison mesurables

Nous l'avons vu dans le précédent chapitre, dans la mesure où, en matière de choix amoureux, les critères sont toujours subjectifs, il est impossible de remplir cette condition.

Imaginons cependant que, dans un univers parallèle, cela soit possible. Imaginons qu'après une analyse pertinente de nos besoins, on parvienne à établir une liste précise de critères objectifs dont on aurait la certitude scientifique qu'ils répondraient à nos besoins (là c'est vraiment de la science fiction) :
plus d'1m80, brun, mâchoire carrée, musclé, peau matte, yeux bleus, calme par les gestes, le ton de la voix, partageant plus de X heures par jour avec soi, sachant faire la cuisine, offrant au moins 2 cadeaux par semaine, ayant plus de 20 amis, présidant un poste de direction, etc...

Par définition, pour poser un choix, encore faudrait-il que nous puissions comparer ces éléments entre plusieurs personnes. Mais alors comment savoir si X personnes prépareraient la cuisine, offriraient 2 cadeaux par semaine, passeraient X heures avec soi tous les jours. Comment le savoir s'il n'existe pas encore de relation avec ces personnes ? Faire passer des entretiens ?
Même dans ce cas fictif, la comparaison objective est tout bonnement impossible.

4 - Asseoir un choix pertinent sur la base de ces comparaisons

C'est irréaliste tout simplement parce que ce qui lie deux êtres dans une relation interpersonnelle est de l'ordre de la nature humaine, de l'affect, du subjectif (ces trois mots étant aussi des synonymes) et que pour tirer une analyse par comparaison il faudrait pouvoir attribuer des valeurs. Aucun système de notation n'existe pour mesurer l'intensité des choses qui se rapportent à la nature humaine.

En matière de choix amoureux, on ne peut raisonnablement pas remplir toutes les conditions nécessaires permettant un jugement de valeur. Personne n'est mieux ou moins bien, nous sommes juste différents les uns des autres et seule notre expérience de et avec l'autre nous permet d'apprécier les différences.

Cette dernière réflexion nous amène naturellement à la question du chapitre suivant.



IV - COMMENT FAIRE DES CHOIX VIABLES ?


Tout le problème est là.

Une première réponse évidente à ce stade de ma réflexion :


A - Arrêter d'essayer de se rassurer à tous prix (et n'importe comment).

L'inconnu a toujours été un facteur archi déstabilisant pour l'Homme comme pour pas mal d'animaux d'ailleurs.

Chaque nouvelle rencontre, chaque interaction nouvelle est un pas vers l'inconnu (au sens propre comme au figuré), donc un facteur de stress. Pour apaiser son angoisse de l'inconnu, le réflexe naturel est de chercher des repères, quitte à s'en inventer. Pour se faire, on tente le plus souvent de ranger autrui dans des cases, de le classer par rapport à des choses qu'on connaît, qui nous sont familières. On effectue un travail de simplification, d'étiquetage, d'archivage et un tel sera taxé de dragueur, l'autre sera l'intello, la coincée ou le lourd ou encore le timide et pour les inclassables il y a un trou noir (en général ce sont ceux qui font “peur” ou au contraire qui intriguent (non parce qu'il sont anormaux mais parce qu'ils ne sont pas "cernables" d'un coup d'oeil).
On affuble tout le monde, à la va-vite, de quelques qualificatifs pour orienter ses choix en comparant ses propres “critères” avec le portrait de surface qu'on s'est forgé de l'autre pour voir si ça rempli les cases de ses attentes. Mélange d'intuition et de psychologie à deux sous. Bien évidemment, quelle que soit la décision, tout cela est superficiel, tout cela tient plus de l'illusion que de la démarche raisonnée.

On a peur, on veut se rassurer, se donner l'impression de mettre toutes les chances de son côté dès le départ et petit à petit, on se paralyse.

Il faut savoir prendre des risques car rien ne garanti jamais le succès dans les relations humaines. (cf le billet intitulé : "Existe-t-il un amour garanti sans risque ?") Je l'ai écrit et le répéterai encore ici, les sciences humaines ne sont pas des sciences exactes. Si vous voulez des résultats sans faille avec des inconnues, ne vous lancez pas dans des rencontres mais plutôt dans la résolution d'équations mathématiques (elles sont bourrées d'inconnues et le résultat est sans nuance - c'est vrai ou c'est faux).

Une deuxième réponse qui coule de source :


B - Ne plus penser en termes de critères

Cela parait évident mais ça ne l'est pas. Renoncer à poser ses choix amoureux en fonction de critères est déjà une réponse en soi. C'est s'ouvrir à de nouveaux horizons, c'est ôter ses oeillères, c'est se laisser enfin la liberté d'aborder ces questions sous un angle radicalement nouveau.

Il faut abandonner ce système de critères et de portraits robots de femmes ou d'hommes idéaux qui ne sont en général que des leurres, la somme de ses fantasmes et/ou la soustraction de ses échecs. Pratique mais illusoire et trompeur.

Ensuite, comme nous n'avons ni le temps, ni l'énergie pour saisir toutes les opportunités et les essayer les unes après les autres, bien sûr il nous faut faire des choix. Mais pour les faire en oubliant tous critères il faut surtout se poser les bonnes questions et laisser tomber les archétypes. Des questions fondamentales telles que “qu'est-ce qui me fait sourire, qu'est-ce qui me rend heureux, qu'est-ce qui me fait peur et qu'est-ce qui m'apaise” sont les véritables questions.
Y a-t-il le moindre rapport entre une liste de critères, de caractéristiques et la capacité de quelqu'un à vous émouvoir ?


C - Abandonner les schémas comparatifs

La projection est aussi une technique typique de ceux qui cherchent à trouver des garanties là où il n'y en a pas.
Puisqu'on ne peut comparer les personnes entre elles, on ne peut s'empêcher de les comparer avec celles qu'on a connu dans le passé. L'idée étant de se projeter dans l'avenir sur la base de cette comparaison pour anticiper une possible compatibilité ou incompatibilité.
Je pourrai écrire tout un chapitre là dessus mais ça n'est pas le propos. je dirais brièvement que ces tentatives de comparaisons passé-présent sont encore le résultat d'une pensée simpliste. Ce serait comme présager du goût en comparant juste la forme de deux fruits. La pomme et l'orange sont toutes deux rondes donc puisque j'ai déjà gouté la pomme et que je ne l'aime pas, je n'aimerai pas l'orange non plus. RI-DI-CULE.

La reconnaissance d'une seule caractéristique commune à deux objets ne permet en rien de présager de toutes les caractéristiques de l'autre. Similaire ne veut pas dire identique.


D - Se connaître et chez l'autre privilégier le fond à la forme

Il faut s'attacher à se connaître soi-même pour identifier ses véritables attentes sans chercher à les calquer sur un modèle. Apprendre aussi à s'aimer soi-même sinon on sera bien en peine de s'attacher et d'aimer l'autre.

On portera son choix sur quelqu'un qui n'aura peut-être aucun des critères idéaux et universels "archétypiques" mais avec qui on se sentira simplement bien, en confiance, heureux, qui répondra à des besoins essentiels profonds et simples. Une personne qui sera peut être à 100 lieues de votre idéal d'avant mais avec qui il existera une vraie complicité.

S'attacher aux petits défauts charmants plutôt qu'aux grandes qualités fait parti de la panoplie. Cette fille m'émeut non pas parce qu'elle est très belle ou parce qu'elle est extrêmement intelligente. Ce qui me touchera chez elle seront ses maladresses, son côté gaffeur, sa phobie des souris, ses petites maniaqueries, etc... Ninon de Lenclos, femme de lettre contemporaine de Louis XIV, écrivait déjà ces mots au XVIIe siècle : "En amour on plaît plutôt par d'agréables défauts que par des qualités essentielles".

Et par dessus tout, prendre le temps de connaître l'autre sans apriori.



V - CONCLUSION



Comme moi, vous devez avoir déjà entendu des récits où un tel raconte qu'il n'aurait jamais imaginé finir en couple avec sa collègue de travail ou avec la soeur de son meilleur ami. Qu'une telle a toujours craqué sur les grands bruns et finalement, à sa grande surprise, l'homme de sa vie s'avère être un petit blond.

On entend souvent dire que l'amour arrive là où on ne l'attend pas.

J'explique cet adage simplement par le fait que nous regardons rarement dans la bonne direction pour repérer le bon partenaire. Par conséquent, si l'amour se pointe dans une direction inattendue et que, par chance, nous le remarquons quand même, notre attention ayant toujours été portée ailleurs (la mauvaise direction), nous sommes fatalement surpris. Mais la plupart du temps, quand on ne porte pas son attention au bon endroit, on passe à côté de tout sans rien voir.

Plutôt que de regarder dans la mauvaise direction en espérant secrètement avoir la chance d'être surpris un jour, autant essayer de changer d'angle dès à présent, d'orienter notre regard dans la bonne direction. On a beaucoup plus de chance de repérer la bonne personne comme cela.

Porter son attention dans la bonne direction c'est commencer par changer de méthode de sélection, parce que cela me semble une évidence, les critères que nous nous imposons pour orienter nos choix amoureux ne sont qu'une chimère destinée à calmer nos peurs (nous rassurer à tort en réalité). Au final ils nous aveuglent, nous trompent, faussent notre jugement, débouchent sur des choix décourageants et plus grave encore, ils nous distraient de l'essentiel