"J'ai couché le premier soir" (Biba Magazine), "Coucher le premier soir : 11 précautions à prendre" (Cosmopolitan), "Etes-vous prête à coucher le premier soir ?" (Elle), "Aimer le sexe sans passer pour une fille facile" (Marie-Claire), "Doit-on coucher le premier soir ?" (Grazia), la presse féminine et internet regorgent d'articles sur le sujet, marronnier éculé (article rabâché tous les ans), nous ressortant toujours les mêmes poncifs (clichés).

Oui, on nous dira que les femmes sont indépendantes, qu'il faut assumer sa sexualité ou qu'au contraire il faut savoir prendre le temps de "faire les choses bien", qu'il ne faut pas se précipiter. Mais finalement, pas un seul de ces articles ne pose, à mon sens, les bonnes questions. Aucun ne justifie par de vraies analyses et une véritable réflexion les réponses qui vont donc tantôt dans un sens et tantôt dans l'autre au gré de l'humeur ou des croyances de ceux qui les rédigent ou de ceux à qui ils sont destinés.

C'est la raison pour laquelle je vais non seulement essayer de vous démontrer en quoi, se demander s'il faut coucher ou pas dans les tout premiers temps d'une relation est une fausse bonne question qui ne devrait pas se poser en ces termes mais aussi pourquoi se la poser peut mettre en péril cette relation en devenir.

Postulat important : cette question n'a de sens que dans le cadre d'une envie réciproque, c'est-à-dire lorsque deux personnes qui se connaissent encore peu, suscitent mutuellement désir et attraction chez l'autre et que, malgré cela l'une d'elle ou les deux décident de ne pas franchir le pas pour des raisons qui n'ont rien à voir avec un manque de désir. Dans la situation inverse, si l'une des deux personnes (à fortiori les deux) n'a absolument pas encore la moindre envie, le moindre désir de partager un lit, la question de savoir si elle devrait coucher ou non n'a évidemment pas lieu d'être. Je ne traiterai donc le sujet que sous cet angle.

Exemple typique : deux personnes qui ne se connaissaient pas de façon personnelle et/ou intime jusque là (par ex: connaissances, collègues, rencontre internet) viennent de passer leur première soirée en tête à tête et à son issue, l'une propose plus ou moins explicitement à l'autre de terminer la nuit ensemble. L'attraction est partagée, le désir aussi, ni l'envie, ni les circonstances ne s'opposent à "céder à la tentation" et, malgré tout, celui(celle) à qui la proposition a été faite préfère attendre de se revoir...

NOTA : Vous aurez aussi, comme moi, sans doute remarqué que ce sont un peu plus souvent les femmes que les hommes qui émettent des réserves dans ce domaine. Il est judicieux de le noter et en cela, mon analyse s'adressera sans doute cette fois-ci un peu plus aux femmes qu'aux hommes.



I - ARGUMENTS EN FAVEUR DE L'ABSTINENCE AU PREMIER SOIR


Tout d'abord essayons de comprendre ce qui, dans la têtes de nos abstinent(e)s du premier soir, justifie habituellement de ne pas céder à l'envie aussi saine qu'innocente de faire l'amour avec quelqu'un envers lequel elles(ils) éprouvent désir et attraction, une personne avec qui ils pourraient, en outre, envisager de s'engager dans une relation "sérieuse" par la suite.

"Quand quelqu'un me plaît, si l'occasion se présente j'évite toujours de coucher le premier soir parce que..." :

1) Je crains de donner une fausse image de moi et de mes intentions

a) Valorisation de l'ego

- "Si je cède trop vite, je me dévalorise. Pour "m'avoir" il faut me mériter, je ne vais donc pas m'offrir comme ça si facilement."

b) La fausse image qu'on craint de donner à l'autre

- "Qu'est-ce qu'il (elle) va penser de moi si je "saute sur l'occasion" ? Peut-être imaginera-t-il que je suis une fille facile, une "salope". Peut-être pensera-t-elle que je suis un "collectionneur", un "chaud lapin", un homme "pas sérieux" et que mes intentions ne sont pas louables.

Si c'est le cas, cela risquerait d'influer sur son envie, son désir de me revoir dans la mesure où, si il (elle) recherche une relation stable, il (elle) pensera peut-être que je ne recherche en fait qu'un "coup d'un soir", une relation occasionnelle, que je ne suis pas capable de me contrôler et que, même une fois en couple, je ne pourrai m'empêcher de sauter sur tout ce qui bouge. Je perdrai alors toutes mes chances de développer quoi que ce soit avec lui (elle).

Mieux vaut attendre, lui montrer que je m'intéresse à elle (à lui) pour des raisons plus "profondes" que du sexe, que mes intentions sont "sérieuses", et lorsqu'il(elle) en sera convaincu(e) alors nous pourrons passer à l'étape suivante."

2) J'ai peur d'orienter la relation dans une mauvaise direction

a) Si l'expérience est négative

- "Si nous couchons ensemble tout de suite et que finalement ça ne se passe pas très bien, cela risque de mettre prématurément un terme à notre relation naissante. Nous basculerons alors de "possible relation" à "plus rien du tout". Mieux vaut attendre."

b) Si l'expérience est positive

- "Si nous couchons ensemble tout de suite, alors que nous nous connaissons peu, si en plus cela se passe à merveille entre nous sur le plan sexuel, notre relation risque peut-être de ne pas évoluer au delà de ça. On ne se verra que pour le sexe, et il n'y aura rien sur le plan sentimental.

Bref, en couchant tout de suite je vais faire basculer dès le départ la relation dans la "sex-friend zone" et ruiner mes chances de développer une "potentielle relation sérieuse".

Peut-être aussi qu'il(elle) ne cherche que du sexe et si elle (il) l'obtient tout de suite, je n'aurai plus de nouvelle après cela. Attendre me donnera plus de chance de le revoir."

3) La patience est une preuve de sa motivation et de ses bonnes intentions

- Dans le même ordre d'idées, "si quelqu'un est vraiment motivé par moi (et pas seulement par le sexe avec moi) et que ses intentions sont honnêtes cela ne lui coûtera pas d'attendre. Un peu de patience ne pouvant pas nuire, en se gardant de céder à nos désirs, en gérant la frustration et en muselant nos envies immédiates, nous fournissons la preuve de notre intérêt pour l'autre au delà du charnel. L'aptitude à repousser l'instant du premier rapport est une sorte de baromètre de notre motivation affective et relationnelle à l'égard de l'autre ainsi que de nos intentions de long terme."

4) En amplifiant le désir par l'attente, cela amplifiera le plaisir par la suite

La qualité d'une relation sexuelle dépend toujours de deux facteurs, le désir et le plaisir. Ils sont évidemment liés.

a) La gestion du désir

- "Comme le désir naît du manque, si je cède à mon désir tout de suite, il sera finalement moindre que si j'avais attendu, donc fatalement, l'expérience intime n'en sera que moins satisfaisante. Pour les mêmes raisons, si l'autre obtient ce qu'il (elle) veut trop vite, son désir comblé trop rapidement va redescendre aussi, la tension sexuelle va disparaitre, et peut-être que nous n'aurons plus envie de nous revoir. Mieux vaut attendre afin que la tension soit à son maximum, que l'expérience soit intense, ce qui nous poussera à vouloir la réitérer."

b) la gestion du plaisir

- "Si je fais l'amour avec quelqu'un que je ne connais qu'à peine, je risque d'avoir moins de plaisir que si je le (la) connaissais mieux, il(elle) risque aussi de son côté d'éprouver moins de plaisir et finalement, nous sortirions déçus de cette expérience, ce qui ne nous donnerait pas forcement envie de nous revoir. Mieux vaut attendre, faire plus ample connaissance, ce qui nous assurera plus de plaisir mutuel la première fois et, par conséquent, la motivation de poursuivre."


Bilan

Globalement, nous voyons bien que les réticences, les hésitations, les inquiétudes sont toutes issues des mêmes craintes : Peur de la déception et mise en danger d'une relation à venir.

C'est donc pour se prémunir d'un possible avortement prématuré de la relation et, dans une moindre mesure, d'une déception sur un plan sexuel que certains adoptent (de façon complètement arbitraire, nous le verrons dans le prochain chapitre) un comportement qui va pourtant à l'encontre leur désir, leurs pulsions, en respectant un "agenda" de principe : le fameux "jamais le premier soir".

On se rassure de cette façon, comme si le fait de ne pas céder à ses envies tout de suite, de passer un peu plus de temps avec l'autre, garantissait ou augmentait les chances de voir la relation s'épanouir au delà de ce premier soir. Et si tout cela n'était qu'une illusion ? Pire encore, et si tout cela ne faisait que provoquer cet échec tant redouté ?

C'est ce que je vais tâcher de vous démontrer dans le chapitre qui suit.



II - POURQUOI SE POSER CETTE QUESTION C'EST PRENDRE LE RISQUE D'UN ÉCHEC ?


Vous aurez sans doute déjà compris ma position sur ce sujet, ne serait-ce qu'en lisant le titre de ce billet. Se poser la question n'est pas en soit un problème (bien qu'elle soit à mon sens inadéquate et stérile) mais c'est la réponse qu'on y apporte généralement qui est sujette à caution.

Non seulement tous les arguments en faveur de la thèse d'une abstinence du premier soir ne résistent pas à l'analyse mais bien plus grave encore, le comportement qu'on adopte alors et ce sur quoi cela débouche va exactement à l'opposé du but recherché.

Je vous démontrerai donc aussi pourquoi se refréner dans son désir sexuel à l'aube d'une relation (donc le premier soir inclus, si envie il y a le premier soir) n'augmente non seulement pas nos chances de voir la relation perdurer au delà de cette première fois mais nous fait carrément courir un risque d'échec bien plus grand que si nous cédons à nos envies sans nous poser de question.


A - Les arguments en faveur de l'abstinence du premier soir sont bancals

Autrement dit, aucun des arguments (je devrais dire des idées reçues) cités précédemment ne tient la route quand il est soumis à l'analyse. Je vais donc les reprendre un par un dans le même ordre et vous expliquer pourquoi, malgré les apparences, ils sont complètement bancals :

1) La perception de soi-même et la fausse image qu'on craint de donner à l'autre

Que ce soit pour l'homme ou pour la femme, cet argument ne vaut rien car il implique que le jugement de l'autre à notre égard se fonde en partie ou en totalité sur notre aptitude à assumer ou à freiner nos désirs et notre sexualité. Il présuppose que le jugement de l'autre à notre endroit ne tiendrait pas compte de ce que nous sommes, notre personnalité, ce qui nous rend attirant à ses yeux. C'est globalement faux, et quand bien même cela pourrait être parfois le cas avec certaines personnes bien promptes à préjuger, si quelqu'un nous juge mal pour la seule et unique raison que nous écoutons nos désirs, on peut se demander si cette personne est vraiment digne d'intérêt.

a) L'Ego / Le cadeau

"Je ne vais pas m'offrir à quelqu'un comme ça si facilement".

Dans une relation sexuelle et, à fortiori, amoureuse, il n'y en pas un qui offre et l'autre qui reçoit. Le "don", si tant est qu'on puisse voir les choses ainsi, est partagé. L'un n'est pas plus un cadeau que l'autre et il n'y a rien à mériter. Les deux sont supposés retirer de ce partage le même plaisir, et il n'est nullement question pour l'un de se "sacrifier" au profit de l'autre. En outre, une femme ou un homme qui se considère sérieusement comme un lot à remporter, un prix à mériter, qui se place d'emblée sur un piédestal, est une personne qui ne mérite certainement pas qu'on lui accorde le moindre intérêt ni qu'on se donne la moindre peine car il n'y a rien à attendre d'une relation avec elle, que cette relation soit sexuelle ou amoureuse.

Cet argument n'a donc aucun sens pour justifier de refréner son envie car coucher avec quelqu'un est avant tout un cadeau qu'on se fait à soi-même. Qui plus est, penser la sexualité de cette façon, en termes de valeur et de mérite, consciemment ou non, trahit une vision unilatérale (à sens unique) des relations hommes-femmes et, pardonnez-moi mon langage un peu cru, "une mentalité de merde".

b) La crainte de donner une fausse image de soi et la culpabilité

"J'ai peur de passer pour une salope !"

Franchement, nous sommes au XXIème siècle, les femmes ont gagné leur indépendance depuis fort longtemps au terme d'un long combat (voir le billet sur la galanterie) et s'assument aujourd'hui tant au plan matériel, financier, que sexuel. Dans nos sociétés évoluées où nous prônons la parité à tous les niveaux, peut-on encore raisonnablement taxer de "salope" une femme qui revendique et assume sa sexualité ? Les hommes ou les femmes qui ont la stupidité de penser de la sorte font preuve de bien peu d'ouverture d'esprit, et en disant cela "j'euphémise". Si vous voulez entendre ma pensée lato sensu (dans sa vraie expression), je dirais que ceux qui considèrent encore comme une "traînée" une femme qui couche quand, où et avec qui elle veut, ne sont rien de plus que des gros cons !

L'homme qui rejetterait une femme pour laquelle il éprouve de l'attirance sur tous les plans parce qu'il préjugerait du "sérieux", de la valeur, de cette dernière et de sa capacité à s'engager dans une relation sous prétexte qu'elle adopte la même attitude que la plupart des hommes, à savoir, assumer ses envies et disposer de ses fesses comme bon lui semble, est un homme qui ne mérite surtout pas le moindre intérêt. Je dirais même plus, c'est un homme qu'il faut fuir.

On peut concevoir que le poids des conventions et de la morale fasse encore peser de nos jours une certaine "culpabilité" sur les femmes qui donnent libre court à leur sexualité. Il n'empêche que ce droit leur est acquis sans qu'elles n'aient besoin de s'en justifier, d'en avoir honte ou de se préoccuper de ce qu'en pensent certains hommes.

Si une femme doit avoir à faire à ce type d'arriéré, autant le savoir très vite. Mesdames, c'est une bénédiction qu'un homme de ce genre vous rejette et non une infortune car il y a très peu de chances qu'avec une mentalité pareille, un tel homme soit jamais capable de vous rendre heureuse. A moins d'être adepte des relations moyenâgeuses où la femme est une sorte d'esclave de l'homme, soumise et docile, mon conseil du jour est : vous n'avez aucun intérêt à donner une chance à la relation d'exister en feignant de freiner vos envies.

Bref, une femme qui couche quand elle en a envie ne passera pour une "salope" et ne se dévalorisera qu'aux yeux des cons. C'est en s'engageant dans une relation avec l'un d'entre eux qu'elle court à l'échec et non en se prémunissant de le voir prendre la fuite. Avec un homme de qualité, jamais elle ne risquera d'altérer son image pour avoir simplement décidé de coucher le premier soir. Il n'y a donc aucune raison d'avoir peur de passer pour "une salope" puisque cela ne risque d'être le cas qu'aux yeux d'hommes qui n'en valent pas la peine. C'est au contraire une véritable opportunité de démasquer les idiots en très peu de temps et passer à autre chose de plus constructif avec des hommes qui ont un cerveau.

c) La crainte d'une méprise sur le "sérieux" de ses intentions

"J'ai peur de passer pour un collectionneur, une mec "pas sérieux" !"

Une femme qui préjuge des intentions d'un homme ou de sa capacité future à limiter sa sexualité à un seul objet (elle-même) sous prétexte qu'il éprouve de l'attirance et du désir, qu'il le manifeste et ne s'en cache pas; parce qu'il aurait déjà accumulé d'autres expériences et qu'il n'en est pas à sa première conquête; est une femme qui ne vaut pas non plus la peine qu'on s'y attache.

Ce qui détermine notre valeur, n'est pas notre passé, notre expérience, notre capacité ou incapacité à céder à nos désirs mais ce que nous sommes, nos qualités profondes. C'est bien à cela qu'une femme va s'attacher pour juger des intentions et de la valeur d'un homme et non au fait qu'il serait un "chaud lapin" sous prétexte qu'il n'a pas forcement envie de se freiner dans ses désirs quand quelqu'un l'attire. Les femmes qui ont compris cela n'ont aucun problème et ne porte aucun jugement de ce type avec les hommes qui leur plaisent et qui assument leurs envies avec elles, même rapidement.

Là encore, Il n'y a aucune raison d'avoir peur de passer pour un "chaud lapin" car cela ne sera le cas qu'aux yeux de femmes qui ne font preuve ni d'ouverture d'esprit ni d'intelligence. Une femme qui réagit comme cela est à éviter et non à motiver ou à revoir. Un homme ne perd rien en faisant fuir ce type de femmes, au contraire, il s'évite bien des déconvenues.

2) La crainte d'orienter la relation dans une mauvaise direction

"Si on couche trop vite, on risque de ne devenir que des sex-friends"

Cette idée reçue est sans fondement et je vais vous expliquer pourquoi le timing du premier rapport ne détermine en rien le type de relation que nous allons entretenir avec quelqu'un par la suite.

Parce que les liens qu'on tisse avec quelqu'un ne dépendent pas exclusivement de notre comportement sexuel. La sexualité est un moteur dans la relation (surtout naissante), comme le désir est son carburant, donc bien évidemment, le sexe peut impacter une relation (au delà du sexe ou pas) mais ce qui crée l'affectif entre deux personnes n'est pas strictement lié à la sexualité. Contrairement à la croyance populaire, sexe et sentiments ne sont pas les deux faces d'une même pièce (je vous renvoie à mon billet sur la dissociabilité du sexe et des sentiments). Penser que de commencer par établir la relation par la sexualité ne va pas permettre de faire évoluer cette relation au delà est aberrant. Il est tout aussi aberrant de croire l'inverse.

Personnellement j'en ai fait l'expérience il y a quelques années. Ma plus grande histoire d'amour a commencé comme cela. J'avais fait la connaissance d'une fille sur internet et après une dizaine de jours d'échanges téléphoniques nous nous sommes vus. Ce fut un coup de foudre physique mutuel et dans les 20 minutes nous étions dans un lit. Ni moi ni elle ne nous sommes posés de question. Ce fut torride et bien évidemment nous n'avions qu'une idée en tête, nous revoir pour recommencer. Ce qui fut fait (le plus souvent possible). Comme, bien sûr, nos entrevues ne pouvaient se réduire au sexe, quand nous nous voyions, nous allions aussi nous faire un restaurant, un ciné, une sortie. Avant de passer la nuit ensemble, nous discutions et petit à petit nous avons appris à nous connaître. En quelques mois, nous sommes passés, de ce qui aurait pu apparaître comme de l'amitié sexuelle, à une véritable relation amoureuse qui dura plusieurs années. Bien entendu, nous aurions pu aussi ne pas développer de sentiments mais le fait d'avoir couché la première fois ensemble au bout de 20 minutes n'y aurait été pour rien.

Il est tout aussi ridicule de penser qu'une personne qui va partager un très bon moment sensuel avec soi n'aura d'autre réaction, une fois ce moment passé, que de claquer la porte à tout jamais. Lorsque c'est bon, peu importe que ce plaisir ait été obtenu rapidement ou péniblement, on a généralement qu'une envie; recommencer, et non l'inverse. Par contre, il est assuré que si l'un des deux (ou les deux) n'apprécie pas ce premier moment d'intimité, grandes sont les chances qu'il ne se renouvelle pas.

Cela dit, que cela changerait-il de repousser l'échéance ? Il est bien naïf de croire qu'attendre 2, 5 ou 10 rendez-vous de plus pour passer à l'acte y changera quoi que ce soit. Peut-être que si des liens ont été tissés avant une expérience sexuelle décevante nous serons moins prompt à laisser tomber mais si il y a vraiment une mésentente sexuel, quoi qu'il arrive, la relation trouvera un terme plutôt tôt que tard. On aura juste perdu un peu plus de temps avant de s'en apercevoir (j'en reparlerai dans le paragraphe suivant).

3) La patience comme preuve de motivation et/ou facteur d'intérêt de l'autre à notre égard

"S'il(elle) est vraiment motivé(e) par moi et moi par lui (pas seulement par le sexe entre nous) cela ne nous posera aucun problème de faire l'effort d'attendre et cela nous donnera la possibilité de développer des liens avant une première nuit ensemble."

Deux idées émergent de cet argument. Tout d'abord celle de l'attente comme baromètre de notre motivation "affective" envers l'autre et ensuite celle de l'attente comme facteur d'opportunité (de se connaître).

a) La patience comme baromètre de la motivation affective

Penser que la capacité de quelqu'un à brider son désir sexuel est un indicateur de la motivation de cette personne à l'égard de celle pour laquelle il fait cet effort est tout aussi ridicule que de penser que la fidélité sexuelle permet de mesurer l'amour que quelqu'un vous porte (voir mon billet "Fidélité, grande escroquerie de l'amour") ou que la jalousie en est une preuve (voir mon billet sur la jalousie, preuve d'amour ou de pur égoïsme). Penser en ces termes c'est n'avoir tout bonnement jamais sérieusement réfléchi et/ou compris quels étaient les mécanismes de ce "processus d'engagement dans une activité" qu'on appelle "La motivation".

Je ne vais pas disserter sur la notion de motivation car ce serait bien trop long et hors sujet mais pour résumer brièvement on peut définir celle-ci comme la résultante de l'intérêt qu'on porte à une activité précise (par ex: "plus je trouve d'intérêt dans telle activité, plus je suis motivé à y consacrer mes efforts et inversement)

Cet intérêt trouve sa source en nous-mêmes (facteurs intrinsèques tels que la satisfaction d'un besoin, d'un désir) par exemple, "j'ai faim donc je suis motivé pour sortir au restaurant" ou à l'extérieur (facteurs extrinsèques comme une récompense, une rémunération, un prix) par exemple, "Je suis motivé pour travailler parce que je veux obtenir cette promotion".

Après analyse du mécanisme de la motivation nous pouvons considérer l'équation suivante :

Si Intérêt (pour Récompense ou Satisfaction) -> (alors)Action + Récompense ou Satisfaction = Motivation (pour Action)

Application par l'exemple :

Un travail est à effectuer mais je ne suis pas motivé pour le faire parce qu'il est pénible. De moi-même, je ne le ferai donc pas dans les conditions actuelles.

Cependant, voilà que pour m'inciter à faire ce travail pénible (action) mon patron me promet (conséquence) une belle prime (récompense). Cette prime me convient (intérêt pour récompense) je suis donc motivé pour effectuer ce travail pénible (motivation pour action).

Dans ces conditions, si je fais ce travail pénible
(action) que je n'aurais jamais effectué de mon propre chef cela prouvera bien que j'étais motivé et c'est la prime (+ récompense) qui m'a motivé à le faire (= motivation pour action).

Replaçons maintenant les choses dans le contexte du premier soir.

Lorsqu'on vient de rencontrer quelqu'un qui nous attire, quelles que soient les raisons de cette attraction (qui ne sont pas forcément que sexuelles), si nous éprouvons du désir, il est évident que ce désir est, au départ, objectivement physique pour ne pas dire sexuel, il ne peut en être autrement puisque, par définition, même si nous pouvons aussi être séduit par sa personnalité ou son discours, nous ne le connaissons pas encore (ou si peu, ce qui revient au même) et n'avons pas eu le temps de faire naître en nous un désir de l'ordre de l'affect (les sentiments).

L'intérêt qu'on lui trouve réside donc à la fois dans la perspective d'une satisfaction concrète de notre désir (sexuel) et dans la satisfaction hypothétique de notre désir de relation amoureuse avec lui (dépendant des liens qu'on aura pu tisser par la suite, des sentiments qui pourraient exister, ce dont nous ne pouvons être assuré pour l'instant, d'où le terme "hypothétique").

Qu'on en ait conscience ou pas, la perspective d'une relation sexuelle est donc le seul intérêt concret et immédiat face à une personne qui, au premier soir, suscite chez nous attraction et désir. Si cela n'est pas le cas c'est tout simplement que nous n'éprouvons pas encore d'attraction et de désir pour cette personne (et alors la question ne se pose pas).

Imaginons maintenant que, malgré l'envie réciproque, cette personne veuille, par principe, me "tester" et que je ne puisse espérer obtenir satisfaction qu'à la condition d'attendre de faire plus ample connaissance. En termes de motivation cela pourra se traduire ainsi :

Je suis attiré par quelqu'un qui me plaît beaucoup et j'ai envie de passer la nuit avec. Je ne suis pas motivé pour attendre de la connaître mieux et si cela ne tenait qu'à moi je ne patienterai pas une journée de plus pour coucher avec.

Cependant, si je prends le temps de la connaître
(action) cette personne sous-entend que, lui plaisant aussi, j'aurai une chance (conséquence) de coucher avec elle plus tard (récompense). La perspective sexuelle m'enchante (intérêt pour récompense) je suis donc motivé pour patienter (motivation pour action).

Dans ces conditions, si je patiente
(action), ce que je n'aurais pas fait de moi-même, cela prouvera bien que j'étais motivé et c'est l'idée de pouvoir coucher avec elle (+ récompense) qui m'a motivé à faire plus ample connaissance (= motivation pour action).

Il est certain qu'un homme motivé par la perspective d'une relation sexuelle avec une femme qui l'attire (quelles que soient les raisons de cette attirance) pourra faire l'effort de lui consacrer du temps et de l'attention avant que cela n'arrive mais alors, quelle valeur accorder à cette attention puisqu'en réalité elle n'est motivée que par la récompense ?

La véritable valeur d'une action est indépendante de toute récompense. Elle est désintéressée. Dans le contexte des relations amoureuses, la motivation la plus louable est intrinsèque, c'est-à-dire non dépendante d'une récompense. C'est seulement lorsqu'il n'y a plus d'enjeu (comme une première relation sexuelle) que l'on peut mesurer l'intérêt que l'autre éprouve réellement pour nous-même et non pour ce que l'on a à lui offrir. Nous voyons bien que l'attente comme outil de mesure de l'intérêt à nous connaître n'a aucun sens.

Conclusion : Lorsqu'il s'agit de savoir si quelqu'un que nous attirons nous porte un intérêt sur un plan autre que sexuel, sa patience et le temps qu'il nous consacre (par obligation) ne sont absolument en rien des preuves. Dans ce contexte, ils ne sont tout au plus qu'un indicateur de sa motivation sexuelle. De ce fait, il est faux de croire que patienter et accorder son temps pour faire connaissance (malgré soi) est gage de motivation pour d'autres raisons que du sexe (c'est possible mais nous n'en saurons jamais rien de cette façon là). Quand on y réfléchis 2 minutes, cet argument de l'attente qui mesurerait le taux de motivation et/ou les "bonnes intentions" à notre égard (et non juste pour le sexe avec nous) se révèle complètement absurde.

b) La patience comme facteur d'opportunité à développer des liens

"Ne pas céder tout de suite à son envie permet de donner aux deux l'opportunité de mieux se connaître dans l'intervalle qui sépare le soir d'une première rencontre de celui, quelques jours ou semaines plus tard, où ils coucheront enfin ensemble et par là même, favoriser une suite".

Cet assertion présuppose implicitement 2 postulats parallèlement ou simultanément :

- que sans l'attente préalable au rapport sexuel l'opportunité de se connaître n'existerait pas. Qu'il n'y aurait donc pas, de la part de celui qui veut céder à son désir, la moindre volonté d'apprendre à connaître l'autre et de s'y intéresser pour d'autres raisons que le sexe; "Si sa priorité était vraiment de me connaître, le sexe serait secondaire pour lui. S'il n'attend pas c'est donc qu'il ne cherchera jamais à me connaître au-delà de la première nuit.";

ET/OU

- que le fait d'avoir pris le temps de faire plus ample connaissance avant le premier rapport influerait positivement sur le sens de la relation à l'issue de ce premier rapport; "Si nous nous connaissons bien, nous aurons forcement plus envie de nous revoir après notre première nuit que si nous ne nous connaissons pas".

Ces 2 postulats sont complètement faux.

a.1) Premier postulat : sans attente préalable au rapport sexuel l'opportunité de se connaître n'existe pas

Pensez-vous qu'une personne dont l'intention est vraiment de tisser des liens avec vous, va renoncer à cette opportunité parce qu'il aura couché avec vous rapidement, surtout si cela c'est bien passé ?

Cela n'aurait évidemment aucun sens.

A l'inverse, imaginez-vous que quelqu'un qui n'est à la recherche que d'une relation sans lendemain (parce qu'il est joueur, marié, célibataire pathologique, etc...) va se lancer dans une belle et grande histoire d'amour uniquement parce qu'il aura été contraint de vous voir une demi douzaine de fois avant de passer la nuit avec vous ? C'est peu probable aussi. Si vraiment il est déterminé à n'avoir aucune relation autre que charnelle, avoir fait plus ample connaissance ne changera rien, il attendra, vous consacrera le temps nécessaire, finira par avoir ce qu'il voulait et partira.

L'opportunité de se connaître existe indépendamment du timing. Forcer ou pas cette opportunité à se connaître avant le premier rapport n'y change rien.

a.2) Second postulat : faire plus ample connaissance avant le premier rapport influe positivement sur le sens de la relation

Quand bien même pendant quelques semaines vous aurez fait connaissance, le moment venu de se retrouver dans un lit, si cela ne se passe pas bien, pensez-vous que les liens tissés lors de vos quelques entrevues seront suffisants pour maintenir son intérêt pour vous ou le vôtre pour lui?

On peut imaginer en effet que nous serons moins prompt à nous détourner d'une personne avec qui sexuellement cela "n'accroche pas" si on lui trouve d'autres intérêts que si on la connaît à peine. Mais au final, si sexuellement la compatibilité n'est pas là, qu'on apprécie ou pas cette personne pour les qualités qu'on lui aura découvertes dans les semaines précédant ce premier rapport, une relation équilibrée et durable ne sera pas sérieusement envisageable (à moins qu'on considère, à tort, l'harmonie sexuelle du couple comme superflue).

Prendre le temps de faire plus ample connaissance n'influe absolument pas sur la relation à l'issue du premier rapport sexuel. Quand une personne nous plait sur le plan personnel, si le rapport sexuel est insatisfaisant, au mieux nous resterons ami avec elle et au pire on la quittera, si le rapport se passe bien nous aurons envie de poursuivre et développer cette relation.

A ce stade, ce qui influe réellement sur le sens de la relation c'est justement la qualité du rapport sexuel lui-même. Qu'on connaisse ou pas une personne avant n'y changera strictement rien.

Je dirais même plus. Si on ne connaît pas encore bien une personne et que notre attirance sexuelle nous pousse à la fréquenter parce que nous nous épanouissons de ce côté là avec elle, nous avons plus de chance d'accrocher à sa personnalité y compris ses petits défauts car l'envie (motivée par le sexe) de la revoir est présente et peut mettre en veilleuse nos réticences. Si au contraire, une personne laisse transparaître une personnalité dont quelques défauts, traits de caractères, nous gênent et que nous n'avons par ailleurs aucune perspective de plaisir avec elle, les raisons de poursuivre la relation à ce stade sont très minces.

Dés lors, le sexe apparaît bien comme un moteur qui nous pousse malgré les contraintes. Sans lui, nous n'avons aucune raison de subir ces contraintes.

4) La moindre qualité du rapport sexuel lui même

Il est commun d'entendre que mieux on connaît son (sa) partenaire, plus la sexualité avec lui (elle) est épanouissante. Ça n'est vrai que dans une certaine mesure.

D'abord il y a toujours un commencement, il est par conséquent inévitable de se retrouver une première fois dans la situation de découverte avec tout ce qu'elle peut comporter de maladresses et d'ajustements. Avoir eu le temps de connaître l'autre ou pas sur un plan personnel ne changera absolument rien au fait, qu'une fois dans un lit, tout restera quand même à découvrir sur le plan sexuel.

En outre, il est aussi communément admis que la connaissance préalable du partenaire permet de se sentir plus à l'aise pour aborder un premier rapport et nous sommes je pense tous d'accord pour admettre qu'il est difficile d'envisager de ressentir excitation et plaisir lorsqu'on n'est pas à l'aise. Cependant, au risque de tordre une fois de plus le cou à des idées reçues, une des seules étude menée sur ce sujet a démontré que les femmes ressentaient plus d'excitation, de désir et de plaisir au cours d'un acte sexuel avec un partenaire occasionnel (par ex: nouveau copain, sex-friend, "coup d'un soir") qu'avec un partenaire de longue date (par ex: relation durable, mariage, concubinage, etc...).

a) La gestion du désir

Une importante étude nationale de 2010 portant sur les pratiques sexuelles a été menée par des chercheurs de l'Université d'Indiana aux Etats Unis ("An Event-Level Analysis of the Sexual Characteristics and Composition Among Adults Ages 18 to 59 : Results from a National Probability Sample in the United States", The Journal of Sexual Medecine, volume 7, page 346-361, Octobre 2010), établie sur un panel de 3 990 personnes de 18 à 59 ans dont les résultats comparés de 1048 hommes et 883 femmes (échantillon représentatif de la population américaine) révèlent que les femmes sont un peu plus susceptibles de ressentir excitation et désir avec un partenaire occasionnel que lors d'une relation avec un partenaire habituel. Le ratio de chance d'excitation avec un partenaire occasionnel est à 1,22 et le ratio de chances d'une plus grande lubrification (désir) avec un partenaire occasionnel à 1,26. Donc supérieurs à ceux obtenus dans une relation stable (ratio de 1).

Il est intéressant de noter que, selon les chiffres de cette étude, en ce qui concerne les hommes c'est l'inverse. Le ratio excitation et désir (facilité d'érection) est respectivement à 1,53 et 1,68 en faveur d'un partenaire habituel (relation longue). Cela s'expliquant sans doute par la pression que se mettent les hommes pour "être à la hauteur" lorsqu'ils abordent une nouvelle relation, une nouvelle partenaire.

b) la gestion du plaisir

Ici aussi, les chiffres vont dans le même sens. Le ratio de chances de plaisir avec un partenaire occasionnel/nouveau est à 1,14 pour les femmes. En ce qui concerne les hommes, le ratio de chances de donner un orgasme à sa partenaire est à 1,04 en faveur des relations occasionnelles même si du coté des femmes il est vrai que le ratio de chance d'orgasme à 1,13 joue en faveur de partenaires habituels.

Ces chiffres ne révolutionnent pas nos convictions mais ont tout de même le mérite de démontrer qu'il est faux de penser que le sexe avec un partenaire que l'on connaît très bien est forcément mieux qu'avec un nouveau partenaire. C'est particulièrement clair en ce qui concerne les femmes.

Là où notre conviction est fondée et corroborée par des chiffres, c'est qu'en effet, les femmes sont plus susceptibles de mener leur partenaire à l'orgasme et les hommes d'avoir des orgasmes avec un partenaire habituel que dans des relations occasionnelles. Mais comme je le disais, il faut bien qu'il y ait une première fois et il n'est pas étonnant que l'orgasme ne soit pas forcement au rendez-vous de cette première.

NOTA à propos de la source: Cette étude dont je me servirai plus largement dans un prochain billet est, à ma connaissance, la première à sélectionner son échantillon non seulement en fonction de l'âge, genre, CSP, revenus, situation civile (marié, divorcé, célibataire, etc) mais à prendre aussi en compte d'autres facteurs habituellement ignorés pour constituer ce type de panel tels qu'orientation sexuelle, liens relationnels entre les partenaires (par ex: conjoint, flirt, sex-friend, coup d'un soir), lieux des ébats ou encore utilisation de substances avant l'acte (alcool, joints). En outre, cette étude est sans doute une des seules à s'intéresser spécifiquement aux pratiques sexuelles (pas seulement le coït ou la masturbation) et la combinaison de pratiques au cours d'un acte ainsi qu'à l'impact de celles-ci sur le plaisir, le désir, l'excitation, son orgasme ou celui du partenaire. En cela, elle est à mon avis beaucoup plus parlante que la plupart des études qu'on trouve généralement sur la sexualité. Si vous souhaitez la lire, voici le lien mais sa consultation est payante et je n'ai donc pas le droit de la publier telle quelle.

Bilan : A l'exception de l'orgasme lui-même, il ne semble pas que la qualité du rapport sexuel dépende du caractère habituel ou occasionnel d'une relation. Le plaisir n'est pas moindre lorsqu'on ne connaît pas son partenaire. Ce serait même exactement l'inverse pour les femmes, en ce qui concerne le plaisir (hors orgasme), l'excitation et le désir. Cet argument pour légitimer de repousser le moment du premier rapport le temps de "mieux connaître" l'autre et se sentir "plus à l'aise" pour envisager une intimité sexuelle semble donc plus que discutable lui aussi.


B - Quels risques courrons-nous en muselant notre désir mutuel ?

Nous avons vu que la raison essentielle qui pousse les partisans de l'abstinence du premier soir à refréner leurs envies est la crainte que ce comportement puisse remettre en cause la potentialité d'une relation avec quelqu'un qui les attire.

Et si je vous disais que ce qui peut nuire plus encore à l'avenir de cette relation espérée était justement de ne pas écouter ses désirs ?

1) Laisser filer la chance : Faire l'expérience du coté éphémère de l'envie, du fugace de l'attraction

L'attraction, tout comme le désir ne se commande pas. On ne peut décider d'être attiré par quelqu'un, pas plus qu'on peut se commander d'avoir du désir pour une personne. Désir comme attraction s'imposent à nous. Par voie de conséquence, désir et attraction peuvent aussi disparaître tout comme ils sont venus, indépendamment de notre volonté.

Aux tous débuts d'une relation, à la rencontre, il n'y a évidemment pas encore de sentiments et seuls attraction et désir sont les garants d'une possible suite. Les liens affectifs se tisseront lentement mais dans l'intervalle, cette envie de l'autre est la seule chose sur laquelle se reposer. Attendre arbitrairement c'est tout simplement prendre le risque que cette envie disparaisse. Tabler sur le fait que cette envie perdurera, dans l'absolu et pour un temps indéfini est un pari très risqué.

Toutes les chances sont que si l'autre ou soi-même on attend trop (et cette durée varie d'une relation à l'autre, d'un individu à l'autre) alors on passe à côté, non seulement d'une belle partie de jambe en l'air mais surtout, et c'est ce qui est le plus en incohérence avec l'objectif de départ, à côté d'une vraie histoire.

Penser : "S'il est motivé, il pourra attendre" est non seulement un raisonnement erroné (comme expliqué dans le chapitre précédent) mais c'est aussi nier le fait que le désir ne se contrôle pas. On peut toujours attendre, il suffit de le vouloir, mais on ne peut pas toujours continuer à désirer car cela ne dépend pas de nôtre volonté. Est-ce à dire qu'une personne qui ne vous désire plus ne vous avait pas sincèrement désiré à un autre moment ? Pas du tout. La motivation était bien là mais elle a tout bonnement disparue. Se dire que nous réussirons à entretenir cette pseudo-motivation par des échanges qui ne sont soutenus ni par le désir, ni par le sexe, c'est possible mais en rien garanti et pour combien de temps.

J'irai même plus loin. Sachant que la sexualité est le moteur, on dispose de plus de chance de revoir l'autre, de multiplier les opportunités de tisser des liens si le désir est mu par l'envie de se retrouver dans un lit que s'il n'est mu par rien d'autre que l'envie de se connaître ou de pas rester seul.

Si ce moteur peut être mis en route, il ne faut pas hésiter, c'est lui au contraire, qui pourra donner une chance à la relation de perdurer, le temps que des liens plus profonds aient pu de se tisser.

"Oui mais" me diront certains, "on ne peut pas nier que le fait d'attendre va augmenter la tension sexuelle entre nous, va faire grimper l'envie, le désir".

Dans l'absolu c'est vrai, puisque le désir naît du manque, une envie inassouvie amplifiera le désir. Mais ce calcul n'est judicieux que dans le cas précis où la tension de départ entre deux individus est faible.

Explication : Je suis face à quelqu'un qui me plait et à qui je plais. De mon côté j'éprouve un fort désir pour cette personne mais elle n'en éprouve pas encore autant pour moi. Par conséquent, même si l'attraction est bien là, la tension sexuelle entre nous est encore faible. En ne faisant rien, je n'ai aucune chance d'amplifier le désir chez l'autre. Si je me rapproche en insistant lourdement, je vais détendre un peu plus la corde et, ce faisant, réduire à néant le peu de tension qui existe. Cependant, si je m'éloigne (patience, distance), la corde va se tendre et la tension a des chances de se renforcer et amplifier le désir de l'autre.

En revanche, c'est une toute autre affaire lorsque la tension de départ entre deux individus est forte. Il est très périlleux de créer artificiellement de l'attente lorsque deux personnes sont déjà à peu près synchrones, partagent un désir d'équivalente intensité - c'est-à-dire quand la tension sexuelle est à un point idéal - car attendre revient alors à exercer une tension supplémentaire (imaginez deux personnes qui tirent en sens opposés sur une corde déjà tendue). Cela peut parfaitement aboutir à la rupture totale (ce qui n'est pas l'objectif). Pourquoi prendre ce risque ? Il faut au contraire relâcher un peu la tension pour éviter une possible rupture, en d'autres termes, c'est le moment de céder au désir et non de le museler.

Si cela n'est pas assez clair ou pour des explications plus détaillées sur la notion de tension sexuelle, je vous invite à lire ou à relire mon billet sur "le jeu du chat et de la souris".

Dans le chapitre précédent je relatais les débuts de ma plus belle histoire d'amour qui a démarré sur les chapeaux de roues. Tout s'est passé très vite et nos ébats ont été un sacré facteur de motivation pour se voir et se revoir de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps. Les sentiments sont venus se greffer là dessus et, comme je le disais, ils auraient aussi pu ne jamais naître donc ce désir entretenu au départ par le sexe ne garantit pas l'amour c'est vrai, en revanche, je le sais aujourd'hui avec le recul, si nous n'avions pas couché ensemble si rapidement, je ne suis pas certain que je l'aurais revu et serais passé à coté de l'amour. Non pas que je ne la trouvais pas intéressante sur d'autres plans que le sexe mais simplement que je n'étais pas sentimentalement en manque, qu'à un niveau plus personnel elle était assez pudique, ne se livrait pas non plus rapidement et que la motivation pour revoir cette inconnue m'aurait probablement fait défaut sans la présence du désir sexuel qu'elle a suscitée chez moi dès le départ et qui s'est maintenue au fils de nos nuits.

2) Perte de temps et désillusion en cas de non harmonie sexuelle

Un autre problème se pose lorsqu'on muselle arbitrairement ses désirs et qu'on fait passer le sexe au second plan des débuts d'une relation. Ce problème c'est l'inconnue.

Quelle inconnue ? Celle de l'harmonie sexuelle qui peut ou peut ne pas exister entre deux personnes.

Se lier à quelqu'un sans avoir la moindre idée de la complicité qu'il peut y avoir sur le plan de la sexualité c'est prendre de grands risques de voir cette relation tuée dans l'oeuf lorsque le sexe deviendra enfin un paramètre dans l'équation. S'il est parfaitement possible d'aimer quelqu'un sans partager de sexualité (et l'inverse), en revanche, il est très périlleux d'espérer faire naître des sentiments amoureux en se passant de l'entente sexuelle. Ca n'est pas impossible mais il vaut mieux éviter de tabler là-dessus si le but de la manoeuvre est d'aboutir à une relation amoureuse.

L'autre risque que cela fait courir est celui de la perte de temps et de la déception. En effet, que se passe-t-il si, après avoir tissé pendant un moment des liens affectifs avec quelqu'un, on s'aperçoit que sexuellement ça ne fonctionne pas du tout ? On re-essaye une, deux, trois fois et si il n'y a toujours pas d'harmonie malgré tout, pour autant qu'on puisse apprécier l'autre, c'est la rupture qui attend les amants au tournant. Qui aurait envie de poursuivre une relation avec quelqu'un de sexuellement incompatible ?

Alors autant le savoir dés le début. Si l'opportunité se présente de vivre sexuellement quelque chose, mieux vaut constater rapidement si de ce côté la ça match avec l'autre plutôt que de s'engager dans une relation qui est vouée à se casser la gueule le jour où l'ont se retrouvera à l'horizontal. Désenchantement, déception, désillusion, perte de temps, investissement affectif pour rien, voilà ce qui peut attendre ceux qui décident de faire passer la charrue avant les boeufs.



III - CONCLUSION


Alors, faut-il éviter de coucher le premier soir ?

Cette question qui fait les gros titres des magazines féminins et qui nous préoccupe trop souvent est mauvaise et ne devrait même pas avoir à se poser car rien ne justifie de freiner le désir partagé d'engager une relation sur le plan sexuel. Bien au contraire de nous prémunir de l'échec, décider de renoncer à cette opportunité par principe risque de nous ôter une partie des chances que nous avions au départ de voir une relation se développer.

Rien ne justifie que deux personnes (qui s'attirent) refrènent leur désir sexuel lorsque l'opportunité d'y céder se présente. Ecouter nos envies dans ces circonstances, ne nuit ni à notre image, ni à nos désirs, certainement pas à notre plaisir et n'a pas de réel impact sur notre motivation à poursuivre, il en sera de même pour notre partenaire. Croire le contraire c'est être aveugle à la réalité des choses. Toutes les raisons habituellement invoquées pour légitimer cette abstinence ne sont au mieux que des idées reçues.

Se "donner plus de temps" en pensant naïvement que ce temps jouera en faveur d'une relation plus profonde et pérenne est une idée qui sort tout droit de l'inconscient collectif. Ce temps là risque surtout de ternir l'attraction du départ, de rompre la tension sexuelle qui existait, de créer de la frustration et du désintérêt.

Je ne suis pas un cordon bleu et, en ce domaine, exception faite des crêpes je ne suis pas bon à grand chose, cependant pour faire une analogie et du peu que j'en connaisse, je sais qu'une recette réussie ne dépend pas seulement des doses et des ingrédients qui la composent mais aussi de l'ordre dans lesquels ils se cuisinent. Amusez-vous à mélanger de la farine et du lait avant d'y avoir incorporé les oeufs, amusez-vous à ne pas mélanger les oeufs avant de les incorporer à la farine, amusez vous à ne pas avoir fait chauffer la poêle avant d'y verser la pâte et vous verrez le résultat.

Deux personnes qui éprouvent de l'attraction, une attirance sexuelle mutuelle et l'envie de se lancer dans une relation (sexuelle et/ou amoureuse) est un cadeau. C'est à ce moment que sont réunis les ingrédients de base pour que la magie ait une chance d'opérer. Ne pas se servir de ces ingrédients ou les utiliser dans le mauvais ordre c'est risquer de rater la préparation. C'est l'attraction qui mène au sexe, le sexe (réussi) qui mène au manque, le manque qui mène au désir, désir physique mais aussi affectif, c'est ce désir qui mène à tisser des liens et ces liens qui mènent aux sentiments (beaucoup plus longs à s'enraciner que l'attraction sexuelle à se déclencher).

La seule vraie bonne question à se poser est : Suis-je attiré(e) et ai-je envie de coucher avec lui(elle) ?

La juste réponse à cette question n'existera qu'indépendamment du calendrier et de tous préjugés. Dès lors, quelle que soit cette réponse il n'y a pas à hésiter une seconde, c'est elle qui doit dicter notre conduite sans aucune autre considération.

Si l'envie n'est pas partagée au départ, il est normal de s'accorder tout le temps nécessaire, mais dans le cas contraire, si l'envie est déjà là, il est contre-productif de ne pas faire avec, surtout si le but est de parvenir à une vraie relation. Et après tout, même si il n'y a pas de suite à l'issue de la ou des premières nuits, cela sera toujours ça de pris ! Carpe diem - Carpe noctem.